Le boycott de bus de 1963 à Bristol en Angleterre
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En 1960, la ville de Bristol dans le sud-ouest de l'Angleterre, comptait environ 3 000 habitants d’origine caribéenne. Certains avaient servi dans l’armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale et d’autres avaient émigré en Grande-Bretagne plus récemment, connus aujourd’hui sous le nom de génération Windrush (1948-1973). Malheureusement, dans tout le Royaume-Uni, c’était l’époque des slogans « pas de gitans, pas de chiens, pas d’Irlandais et pas de noirs ». À Bristol, un grand nombre de cette population caribéenne vivait dans une zone appelée City Road à St Pauls. Ils étaient victimes de discrimination en matière de logement et d’emploi, et beaucoup étaient confrontés à la violence des Teddy Boys et des Hells Angels, des gangs de jeunes Britanniques blancs.
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Lors de l'interview du Dr Guy Bailey, un activiste et vétéran du boycott avec notre médiatrice culturelle, Caro Sika, il lui dit : « Quand je suis arrivé ici, j’étais terrorisé par de jeunes hommes blancs et ils ne semblaient pas me respecter parce que j’étais noir et je devais affronter le problème de marcher dans la rue et d’être attaqué par des Teddy Boys et des Hells Angels ».
Dans la projection du 18 octobre 2024 du film "Beyond the Scars: Guy Bailey's impact on Bristol" du cinéaste Clive Smith, au musée de Bristol, le Dr Guy Bailey expliqua également comment il fut brutalement agressé et frappé à l’arrière de la tête, au point que du sang frais coule sur son cou, alors qu’il se rendait dans un magasin local pour acheter de la paraffine pour réchauffer la maison. À l’époque, les Noirs ne recevaient pas de couverture médicale, ce qui l’a laissé jusqu'à ce jour avec une grave blessure et une cicatrice émotionnelle et physique toujours vivace.
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Panel du 18 octobre 2024 au musée de Bristol
En raison de ce climat hostile, la communauté caribéenne s’organisa socialement, politiquement et économiquement, créant ses propres églises et associations, y compris le Commonwealth Coordinated Committee (CCC) créé en 1962 par 3 hommes caribéens, notamment de la Jamaïque, nommés Roy Hackett, Owen Henry et Clifford Drummond pour améliorer la qualité de vie dans le quartier St Pauls de Bristol. Le groupe commença à agir en tant qu’organe représentatif pour défendre les droits des citoyens caribéens et africains. L’un de leurs principaux griefs était l'interdiction de recruter des noirs par la Bristol Omnibus Company, qui était une société nationalisée appartenant au gouvernement britannique depuis 1950 et exploitée par l’intermédiaire de la Transport Holding Company. Bien qu’il y avait une pénurie de main-d’œuvre dans les autobus, les employés potentiels noirs se voyaient refuser les emplois de conducteurs d’autobus. Guy Bailey, alors 18 ans, vit son entretien d’embauche annulé par la Bristol Omnibus Company lorsqu’elle réalisa qu’il était jamaïcain. Ce n’était pas la première fois que des Noirs de Bristol se voyaient refuser des entretiens d’embauche sur la base de leur couleur, mais ce devait être la dernière. 4 jeunes militants, à savoir Roy Hackett, Owen Henry, Audley Evans et Prince Brown, ainsi que leur porte-parole, Paul Stephenson, qui fut le premier intervenant de la jeunesse noire de la ville, appelèrent au boycott. Ils s'inspirèrent du mouvement des droits civiques aux États-Unis et du refus de Rosa Parks de céder sa place dans un bus en Alabama, qui conduit au boycott des bus de Montgomery en 1955. Ils annoncèrent un boycott des bus de Bristol lors d’une conférence de presse le 29 avril 1963.
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Ils demandèrent aux habitants de Bristol de s’abstenir d’utiliser les bus jusqu’à ce que la discrimination d'embauche à l'encontre des noirs soit levée. Le boycott reçut un large soutien de divers groupes communautaires, y compris de britanniques blancs. Des groupes étaient physiquement assis sur la route, empêchant les bus de circuler. Le 1er mai 1963, des étudiants de l’université de Bristol manifestèrent jusqu’à la gare routière et le siège local du TGWU (Transport and General Worker’s Union).
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Les Bristoliens noirs et leurs alliés furent preuve d’une magnifique démonstration de force, de solidarité et de résilience. Après quatre mois de négociations tendues entre la compagnie de bus et le syndicat, qui virent de nombreux responsables politiques et groupes civils se joindre à la cause, une réunion de masse de 500 travailleurs de bus convinrent le 27 août de mettre fin à la discrimination raciale d'embauche au sein de Bristol Omnibus Company.
Le 28 août 1963, Ian Patey, directeur général du TGWU, annonça qu’il n’y aurait plus de discrimination dans l’embauche de conducteurs de bus. C’est d’ailleurs le même jour que Martin Luther King prononça son célèbre discours « I Have a Dream » lors de la Marche à Washington. En septembre 1963, Norman Samuels, originaire de la Jamaïque, devint le premier chauffeur de bus noir nommé à Bristol. En 1965, le Race Relations Act fut la première législation britannique sur la discrimination raciale passible de 5 mois de prison, d’une amende de £5000 ou des deux.
Source:
How the Bristol bus boycott changed UK civil rights - Witness History, BBC World Service https://www.youtube.com/watch?v=rQXwh__d2S4